Le domaine la ferme Saint-Martin à Suzette a été l’un des premiers à proposer des séances de dégustation œnologique en état d’hypnose, des rencontres animées par une sommelière et une praticienne de l’hypnose. Une proposition originale qui s’inscrit dans toute une démarche liant environnement, production vinicole et bien-être.
« On ne va pas vous demander de faire la poule ! » prévient dans un grand sourire Sophie Jullien la maitresse des lieux, qui a l’habitude de répondre aux réticences des curieux, inquiets de finir dans des positions ridicules comme ils ont pu le voir dans certains shows télévisés. « La dégustation en état d’hypnose, c’est juste se mettre dans un état de relaxation qui permet une expérience sensorielle nouvelle et différente des dégustations habituelles ».
Une idée neuve qui s’appuie sur la connivence entre animatrices
Sophie Jullien, qui a travaillé dans l’œnotourisme, a décidé d’accompagner son mari Thomas Jullien dans la reprise de ce domaine familial en 2020 : « dans le cadre de mon travail, j’ai passé le diplôme de sommelière afin d’être plus crédible. Ça m’a plu ». Mais c’est une discussion familiale qui a lancé le concept, avec une cousine hypnothérapeute, fin 2019. « On a eu l’idée à l’époque, une seule personne le proposait, à Paris. On s’est lancées ! ». Et la réponse des passionnés a été très positive. Plus tard, la cousine ayant déménagé, Sophie Jullien a cherché une autre partenaire : « ça n’a pas été facile, j’ai eu du mal à trouver la bonne personne par rapport à mes critères : je voulais quelqu’un qui nous emmène en voyage ». Et c’est avec Nathalie Bilbeau, ancienne comédienne devenue sophrologue et hypnologue à Malaucène, que le courant est passé et qu’elles ont pu relancer ces ateliers spécifiques.
L’état d’hypnose, un état naturel
Nathalie Bilbeau insiste : « c’est juste un état d’ouverture de conscience, on entre dans un état modifié de conscience de la perception du monde : avec du calme et de la relaxation, on s’ouvre surtout par le biais de tous les sens. C’est un peu une mise en disponibilité des sens, de l’imaginaire ; c’est un état naturel dans lequel on se retrouve tous à certains moments de la journée dans notre quotidien ». Pour accompagner les participants des ateliers, elle utilise quelques leviers : le calme qui peut être offert par une installation au milieu des vignes si le temps le permet, le fait que chacun soit confortablement installé, et puis ses talents de conteuse. « Je raconte une histoire, c’est un peu un conte de griot et j’utilise les leviers qui permettent d’ouvrir les sens. J’élabore un scénario et chacun y entre avec sa propre histoire. ». Avec cette technique, c’est pourtant un vrai atelier d’oenologie qui est proposé : explications géologiques du territoire, un peu d’histoire locale et de connaissance des vins et d’initiation à l’œnologie, qui se terminent évidemment par des dégustations. Les deux animatrices insistent : « C’est un moment que chacun s’offre à soi, un temps pour soi pour observer comment on aborde ce produit. Certains participants ferment les yeux, d’autres non ; chacun fait comme il préfère. Après l’atelier, certains souhaitent goûter à nouveau les vins : ils peuvent mentaliser cette expérience qui passe par le corps ».
Un atelier en cohérence avec toute la philosophie du domaine
Pour Sophie Jullien, cet atelier qui est proposé de façon épisodique n’est pas un gadget à la mode mais entre clairement dans ce qu’elle et son mari veulent faire du domaine créé par ses ancêtres en 1970, en agriculture bio depuis 1998, et qu’ils ont repris en 2006. « Pour la culture, on se maintient sur le principe du sol vivant ; et on a éliminé tous les intrants » sur les 20 hectares de vignes, dont certaines parcelles sont replantées avec des cépages anciens. À la cave, pour tous les vins qui entrent dans trois appellations (AOP Beaumes-de-Venise, Ventoux et Côtes-du-Rhône), c’est la même sobriété en produits de synthèse qui est observée : « aucun produit oenologique n’est utilisé en cours de vinification ».
Pour le couple, le domaine ne peut pas être seulement un lieu dédié au vin : « c’est un ancien couvent. On dispose d’un lieu et d’un paysage magnifiques, ce serait dommage de ne l’utiliser que pour vendre du vin ». Elle propose donc de nombreuses manifestations pour en faire « une sorte de lieu culturel » avec des expositions, des soirées théâtre ou poésie, des marchés thématiques, des repas... Les activités de bien-être y ont aussi leur place avec du yoga dans les vignes ou des cercles de parole. Et c’est tout un fonctionnement autour du bien-vivre et du bien manger qui est mis en place, en partenariat avec plusieurs institutions. Sophie Julien compte bien installer une activité de maraichage qui
permettrait de fournir les cantines scolaires. D’ailleurs, toujours dans l’esprit de transmettre, le domaine a accueilli cet automne les enfants de l’école intercommunale de Suzette, Le Barroux et la Roque-Alric : des demi-journées autour du travail des vendanges et de la vinification. De retour à l’école, les enfants ont dessiné des étiquettes dont six seront choisies pour orner 1000 bouteilles d’une cuvée d’AOP Ventoux rouge : 2 € par bouteille seront reversés à l’amicale laïque de l’école.